Lettre d'information : Inf'ORISK n°6
Sommaire
Séminaire Prévention des inondations le 25 avril 2023
Nous vous donnons rendez-vous le mardi 25 avril 2023 à Delle (Territoire-de-Belfort) au séminaire d'échanges entre Collectivités, dédié à la prévention des inondations. Le programme sera bientôt dévoilé, en attendant, nous pouvons déjà vous annoncer :
Lieu : halle des 5 fontaines, 90100 Delle Lancement des inscriptions en mars -> Le 25 avril 2023, rendez-vous à Delle Plus d'informations sur le programme, à venir sur ORISK. |
Focus
Retour sur la sécheresse de 2022
La France a connu cet été une période de sécheresse intense. Ces épisodes de sécheresse sont de plus en plus fréquents et débutent de plus en plus tôt chaque année, conduisant à des restrictions de l'usage de l'eau. De quels éléments dispose-t-on aujourd'hui pour qualifier cette sécheresse en Bourgogne-Franche-Comté ? Aspects quantitatifsÉchange avec Erwan Le Barbu, Chef adjoint du département "hydrométrie et gestion quantitative" en charge de l'élaboration des bulletins sécheresse à la DREAL Bourgogne-Franche-Comté Le régime des pluies La région Bourgogne-Franche-Comté a connu une sécheresse printanière légère, très accentuée en juillet puis août, avec un déficit mensuel de précipitations de 90 % sur toute la région en juillet. Conjuguée aux températures exceptionnellement chaude, cela conduit à une évapotranspiration hors-norme (de près de 180 mm en juillet à Mâcon).
La situation s’est atténuée en région dès fin août par un retour des pluies par l’Est.
Hydrologie Les rivières ont également connu une situation grave sur la période juillet-août, en raison de conditions chaudes et sèches précoces dès le mois d'avril puis mai, et surtout du déficit de pluie, sans connaitre les niveaux records de 2018 pour les rivières à l'Est de la Saône, et de 2019 à l'Ouest.
Sur l'Yonne, soutenue par le barrage de Pannecière, le niveau des étiages est moins critique que sur les autres cours d'eau.
Les restrictions d'usage de l'eau ont été légèrement moins étendues géographiquement qu'en 2018-2019 et 2020.
Les sécheresses importantes sont plus fréquentes. Les débits de sécheresses rares (observées en moyenne 2 fois en 10 ans) sont désormais observés presque tous les 2 ans depuis 2015.
Nombre de sécheresses arrivant théoriquement en moyenne tous les 5 ans ou plus Les sécheresses extrèmes deviennent une nouvelle norme : depuis 2015, les débits des sécheresses d'une année sur deux sont aussi bas que les sécheresses historiques (années 1976 et 2003). |
Impacts sur les milieux aquatiquesEchange avec Laurent Souchaud, Hydrobiologiste à l'OFB (Office Français de la Biodiversité) et Jean-Baptiste Fagot, ingénieur hydrobiologiste à la fédération du Jura pour la pêche et la protection du milieu aquatique. Comment mesurez-vous les impacts de la sécheresse sur les cours d'eau ? Laurent Souchaud : Notre méthodologie de prélèvement, qui nous demande de prélever avant les éventuels assecs, et notre sujet d'étude « les macro-invertébrés » ne révèlent pas forcément les impacts des sécheresses. Cependant, on peut distinguer deux types de problèmes : les bas niveaux d'eau et les assecs. Bien sûr les assecs vont supprimer en grande partie la vie aquatique, mais ils sont localisés, la plupart des invertébrés vont recoloniser la zone, grâce au courant et aux pontes des insectes adultes aériens. Cependant, certains peuvent disparaître, et ne revenir que difficilement, comme des mollusques, ou d'autres taxons peu mobiles qui font tout leur cycle vital dans l'eau. C'est un des moyens de mesure des assecs : la disparition de certains taxons. L'autre risque est le niveau bas du cours d'eau, plus bas qu'à l'accoutumée. Ceci tend à réduire les habitats sur les berges, augmenter la température de l'eau, diminuer l'oxygène présent, et concentrer les pollutions. Des développements algaux peuvent aussi être aggravés. Des étiages plus sévères et/ou plus répétés que ceux que la rivière à l'habitude de subir vont entraîner la disparition des taxons qui ne peuvent pas supporter ces conditions. Ceci est l'autre moyen de mesure que nous avons. Jean-Baptispte Fagot : Les mesures sont variées :
Quels sont les milieux aquatiques les plus sensibles à la sécheresse ? LS : Principalement les petits milieux car ils sont plus facilement, plus rapidement, à sec ou très bas. Également les milieux anthropisés qui sont déconnectés de leur nappe, ou dont les nappes sont dégradées, ou exploitées. De manière générale, tous les milieux déjà impactés en dehors des sécheresses, car la réduction du débit aggravera les problèmes déjà présents : concentration des pollutions, désoxygénation, augmentation de la température par manque de ripisylve. Sans oublier les zones de barrage, à cause de la réduction de l'écoulement, qui va encore plus réchauffer l'eau en été.
S'agit-il de la principale pression physico-chimique qui s'exerce sur eux ? LS : Certains milieux sont relativement exempts d'autres pressions, donc pour ceux-là c'est la principale menace. Pour d'autres (notamment les grands milieux) les pollutions et les dégradations sont déjà présentes, et c'est un facteur aggravant.
Quelle est l'ampleur de la sécheresse de 2022 par rapport aux précédentes années d'une part, et par rapport à une année "normale" ? JBF : La sécheresse 2022 est pire que celle de 2003 (elle-même pire que celle de 2018) à notre sens dans le département du Jura, car la sécheresse de 2022 concernait aussi bien la plaine que le massif, alors que le massif était moins touché en 2003 du fait de perturbations orageuses. On ne parle donc pas de la comparaison avec une année ordinaire : 2022 constitue pour nous une référence au moins vicennale.
Quels sont les impacts constatés sur les milieux aquatiques ? JBF : Nous constatons de très forts échauffements, des sur/sous-saturations en oxygène dissous parfois très importantes (> 10mg/L entre le jour et la nuit), une moindre dilution des polluants, etc. La sécheresse accentue les perturbations : un effet de valeur arbitraire 2 en temps normal sera dans le cas de 2022 avec un impact de 5 (moindre dilution, eaux chaudes, etc). Nous relevons également des mortalités directes (piscicoles, macroinvertébrés, etc) par manque ou absence d’eau et un affaiblissement des populations : stress, dénutrition, atteintes directes (exophtalmies, prédation facilitée, etc), dérangement, développement de pathogènes, etc.
Quelle est leur capacité de retour à la normale ? Certains impacts sont-ils pérennes ? LS : Les assecs localisés sont impressionnants, mais ont assez peu de conséquences, pour la plupart des invertébrés, surtout sur les grands milieux. Par exemple les premiers assecs du Doubs vers Ville-du-Pont n'ont quasiment pas eu d'effet sur les populations l'année d'après. La rivière agit comme un tapis roulant qui apporte des organismes de l'amont. Cependant, cela reste une perte de biomasse, et engendre toutes les conséquences listées précédemment. Une rivière en bon état sera résiliente (elle retrouvera son état initial stable), mais un milieu dégradé (au niveau des populations d'invertébrés, mais aussi au niveau des habitats) n'aura pas une résilience aussi importante. Il peut alors y avoir retour à un équilibre dans des conditions dégradées, soit en diversité, soit en abondance (soit les deux bien sûr). Dans le contexte de réchauffement, l'enjeu est crucial de conserver des milieux les plus fonctionnels possibles, capables de subir des sécheresses en se transformant et en atteignant des fonctionnements qui restent intéressants. Des écosystèmes trop fragiles vont cesser de fonctionner correctement, par exemple en engendrant des blooms algaux et des pertes de diversité et de richesse trop importantes, jusqu'à devenir réellement problématiques. JBF : La capacité de résilience des milieux diminue au fil des épisodes exceptionnels qui deviennent la norme : 2017, 2018, 2020, 2022, etc. A priori les frayères à truites connaissent un faible taux d’occupation (le suivi sera quantifié cet hiver). Mais la reproduction post-2003 avait été exceptionnelle à l’époque, avec des truitelles en nombre très important : ce sont les suivis qui permettront de visualiser cela en 2023. On observe néanmoins un effet cliquet de marche, qui semble peu à peu difficilement réversible. |
Observatoire National Des Etiages C’est un réseau mis en place par l’OFB depuis 2013. Il comporte en moyenne 30 stations/département, principalement placées sur des têtes de bassin versant. De mai à septembre, une observation est réalisée par mois (tous les 15j en période de crise), quelles que soient les conditions hydroclimatiques. Les stations sont observées à partir de modalités simples : assec, ne coule pas, coule peu, coule. A partir de ces données, un indice ONDE départemental est calculable. Si en septembre la situation est estimée « revenue à la normale », à comprendre comme 80% des stations coulent, le suivi s’arrête pour l’année. Si ce n’est pas le cas, des campagnes complémentaires sont réalisées jusqu’au retour à la normale. Les données et valorisations disponibles facilement sont sur https://onde.eaufrance.fr/ |
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